Le feluve de feu

Alexandre Kalomiros : Le fleuve de feu.

Réponse aux questions : a/ Est-ce que Dieu est réellement bon? b/ Dieu a-t-il créé l’enfer ?

Il ne fait aucun doute que nous vivons au temps de l’apostasie prédite pour les derniers temps. En fait, beaucoup de peuples sont athées bien qu’en théorie ils
affirment croire en Dieu. L’indifférence et l’esprit du monde prévalent partout.

Quelle est la raison de cet état de fait ?
La raison en est le refroidissement de l’amour. L’amour pour Dieu ne brûle plus dans les cœurs des hommes et en conséquence l’amour entre les hommes est mort.

Quelle est la cause de la diminution de l’amour pour Dieu ?
La réponse est à chercher dans le nuage sombre du péché qui empêche la lumière divine de parvenir jusqu’à nos yeux. Le péché a toujours existé, mais nous sommes arrivés au point où non seulement on ignore Dieu, mais où on le hait. Si on observe attentivement les hommes d’aujourd’hui, on se rend compte qu’ils haïssent intensément Dieu, mais personne ne hait quelque chose (ou quelqu’un) qui n’existe pas. Je suspecte l’homme d’aujourd’hui de croire en Dieu plus qu’en n’importe quelle autre époque. L’homme contemporain connaît l’Évangile, l’enseignement de l’Église et la création de Dieu mieux qu’à n’importe quelle autre période de l’histoire. Son athéisme n’est pas un réel manque de foi. C’est plutôt une aversion envers quelqu’un que nous connaissons bien mais que nous haïssons de tout notre cœur comme le font les démons. Nous haïssons Dieu parce que nous l’ignorons (nous ignorons qui Il est en réalité), nous le négligeons comme si nous ne le voyions pas et nous nous prétendons athées. En réalité nous le considérons comme un ennemi, l’ennemi par excellence. Notre négation, c’est notre vengeance, notre athéisme est notre revanche.

Mais pourquoi l’homme hait-il Dieu ?
Il ne le hait pas seulement parce qu’Il est Lumière, mais parce qu’il Le considère comme une menace, comme un danger imminent et permanent, comme un adversaire devant un tribunal, comme un opposant à la loi (des hommes), comme un persécuteur public et éternel. Un tel Dieu n’est pas le Créateur tout-puissant qui est venu sauver les hommes de la mort et de la maladie, mais un juge cruel et un inquisiteur vengeur. Vous voyez comment le démon veut faire croire aux hommes que Dieu ne nous aime pas, mais qu’Il s’aime Lui-même uniquement, Il ne nous accepte que si nous nous comportons selon Ses désirs et Il nous hait si nous nous comportons autrement que ce qu’Il nous commande. Il est offensé par notre conduite insubordonnée et nous devons payer cette insubordination par des tortures éternelles que Lui-même a créées. Qui peut aimer un tel bourreau? Vous vous rendez compte des calomnies envers notre Dieu absolument bon et aimant? C’est pourquoi en grec on donne au démon le nom de diavolos/ diaboloV qui veut dire le calomniateur.

II

Mais quel est l’instrument dont le démon se sert pour calomnier Dieu? Qu’utilise-t-il pour convaincre l’humanité et pervertir la pensée humaine?
Il utilise la théologie. Il a d’abord opéré une altération légère en théologie et quand celle-ci fut acceptée, il en a introduit toujours plus, jusqu’à ce que le christianisme devienne complètement méconnaissable; c’est ce que nous appelons la „théologie occidentale“. Si vous cherchez quelle est la caractéristique de la théologie occidentale, vous découvrirez que cette dernière considère Dieu comme la cause réelle de tout mal. Qu’est-ce que le mal sinon la séparation d’avec Dieu qui est la Vie et cela n’est-il pas la mort? Qu’est-ce que la théologie occidentale dit de la mort? Les catholiques romains et beaucoup de protestants considèrent la mort comme une punition de Dieu. Ils considèrent tous les hommes comme héritiers du péché d’Adam et pour cela Dieu les punit de mort en les rejetant loin de Lui, en les privant de son énergie vitale et ainsi en les tuant spirituellement d’abord puis physiquement. Il s’agit en quelque sorte d’un rétrécissement spirituel lorsqu’ Augustin interprète le passage de la Genèse où Dieu dit : „si vous mangez du fruit de cet arbre vous mourrez“ par „si vous mangez du fruit de cet arbre, Je vous tuerai“. Bien des protestants considèrent la mort non comme une punition, mais comme quelque chose de naturel. Mais Dieu n’est-il pas le Créateur de toutes les choses naturelles? Ainsi dans bien des cas, ils considèrent Dieu comme la cause de la mort. Ceci vaut non seulement pour la mort du corps, mais aussi pour la mort de l’âme. Est-ce que des théologiens ne considèrent pas l’enfer, la mort spirituelle éternelle, comme une punition de Dieu? et ne considèrent-ils pas le démon comme un ministre de Dieu pour la damnation éternelle de l’homme en enfer? Le Dieu des théologiens occidentaux est un Dieu offensé et coléreux , plein de rancune à cause de la désobéissance de l’homme, qui, dans sa passion destructive, veut tourmenter l’humanité entière pour l’éternité pour ses péchés à moins qu’Il ne reçoive satisfaction entière pour son amour propre offensé.
Quel est le dogme occidental de la rédemption? Est-ce que Dieu ne tue pas Dieu pour satisfaire son amour-propre, ce que les Occidentaux appellent justice?Ainsi, satisfait daignera-t-il accepter le salut de quelques-uns d’entre nous? Qu’est-ce que le salut pour la théologie occidentale? N’est-ce pas le salut de la colère de Dieu? Voyez-vous ce qu’enseigne la théologie occidentale : le vrai danger et notre réel ennemi c’est notre Créateur et Dieu? Le salut pour les Occidentaux c’est d’échapper aux mains de Dieu!
Comment l’amour peut-il chercher Dieu ? Comment avoir foi en quelqu’un que nous détestons ? La Foi dans son essence est le produit de l’amour, en conséquence de quoi, nous désirons que quelqu’un qui nous menace n’existe pas surtout si cette menace est éternelle. Même s’il existe un moyen pour échapper à la colère divine de cet être omnipotent, mais diabolique (la mort de son Fils en notre nature), il vaudrait mieux que cet être n’existe pas. C’est la conclusion la plus logique dans la pensée et le cœur des peuples occidentaux parce qu’un tel paradis éternel leur serait en horreur avec un tel Dieu cruel. Ainsi est né l’athéisme et l’Occident en a été le lieu de naissance. L’athéisme était inconnu dans le christianisme oriental et c’est sous l’influence de la théologie occidentale qu’il a été introduit. L’athéisme est la négation d’un mauvais Dieu. Les hommes deviennent athées en voulant se sauver de Dieu en se cachant la tête et en fermant les yeux et les oreilles. L’athéisme est la négation du Dieu des catholiques romains et des protestants. L’athéisme n’est pas notre véritable ennemi. Le réel ennemi c’est un christianisme falsifié et déformé.

III

Les Occidentaux parlent souvent du „Bon-Dieu“. En Europe occidentale et en Amérique, on n’est toutefois pas convaincu qu’un tel « Bon-Dieu » existe. Au contraire, ils appellent Dieu bon comme les Grecs conjurent un mauvais sort, eulogia,c’est une bénédiction, une bénédiction pour l’exorciser et la repousser. Pour la même raison, le Pont-Euxin était appelé EuxenioV PontoV-la mer hospitalière, elle qui en réalité était une mer redoutée et perfide. Au profond de l’âme occidentale, Dieu est considéré comme le juge méchant qui ne pardonne pas la moindre offense que nous Lui faisons en transgressant Ses lois.
La conception juridique de Dieu, cette conception faussée de la justice divine, n’est qu’une projection des passions humaines dans la théologie. Ce n’est qu’un retour au paganisme, à l’humanisation de Dieu et à la déification de l’homme. L’homme a été vexé et irrité lorsqu’il n’a pas été pris au sérieux et il l’a considéré comme une humiliation que seule une vengeance pouvait supprimer, soit par un meurtre soit par un duel. Ceci a été une conception passionnée de la justice qui a prévalu dans les esprits de la soi-disant société chrétienne.
La conception de la justice de Dieu dans l’occident chrétien est ainsi définie : Dieu l’être infini à été insulté d’une manière infinie par la désobéissance d’Adam. Il a alors décidé que sa descendance est également fautive, même ceux qui n’ont commis aucune faute. Pour les Occidentaux Dieu opère comme une vendetta. Non seulement celui qui vous offense doit mourir, mais aussi toute sa famille. Ce qui est tragique pour l’homme c’est que dans son désespoir, c’est qu’aucun homme ni même l’humanité entière ne peuvent apaiser la dignité offensée de Dieu, même si tous les hommes de l’histoire ont été sacrifiés. La dignité de Dieu ne peut être sauvée que s’Il peut punir quelqu’un ayant la même dignité que Lui. Pour sauver la dignité de Dieu et le genre humain, il n’a eu d’autre solution que l’Incarnation de Son Fils pour qu’un homme ayant la dignité divine pût être sacrifié pour l’honneur de Dieu.

IV

Cette conception païenne de la justice divine qui demande des sacrifices infinis afin d’être apaisée, fait évidemment de Dieu notre réel ennemi et la cause de tous nos malheurs. De plus, c’est une justice, laquelle n’est pas équitable parce qu’elle punit et demande satisfaction à des personnes qui ne sont pas responsables du péché de leurs ancêtres. En d’autres mots, ce que les occidentaux appellent justice, il faudrait plutôt l’appeler ressentiment et vengeance de la pire espèce. Même si le sacrifice et l’amour chrétien perdent leur signification et leur logique dans cette notion schizophrène où un Dieu tue Dieu afin de satisfaire la soi-disant justice divine. Est-ce que cette conception de la justice a quelque chose à voir avec la Justice que Dieu nous a révélée ? Est-ce que l’expression „justice de Dieu“ dans l’AT a quelque chose à voir avec cela? Peut-être que l’origine de cette fausse conception du mot justice dans les Saintes Écritures se trouve dans la traduction en grec du mot dikaiosunh. Ce n’est pas une fausse traduction, mais à cause de ce mot qui est un mot de la civilisation grecque païenne et humaniste, était chargé de notions humaines qui pouvaient prêter à des malentendus.
Avant tout le mot dikaiosun/justice fait penser a un juste partage. C’est pourquoi elle est représentée par une balance. Le bien est récompensé et le mal est puni dans la société humaine d’une manière équitable. C’est la justice humaine , la seule qui ait droit de citer dans un tribunal.

Est-ce là néanmoins la conception de la justice de Dieu?
Le mot dikaiosun est la traduction du mot hébreu tsedaka. -Ce mot veut dire „la divine énergie par laquelle s’accomplit le salut de l’homme“. Il est parallèle et parfois synonyme du mot hébreu hésed qui veut dire „pitié“, „compassion“, „amour“ et de l’autre mot emeth qui veut dire „fidélité“, „vérité“. Ceci, comme vous le voyez donne une tout autre dimension de ce que nous concevons comme justice. C’est la manière dont l’Église conçoit la justice de Dieu. C’est la manière dont les Pères de l’Église ont parlé d’elle. „comment pouvez-vous appelé Dieu juste“ nous dit st Isaac le Syrien, quand vous lisez le passage sur l’ouvrier de la onzième heure. Ami, je ne leur ai pas fait tort, Je veux donner également à ce dernier la même chose qu’à ceux qui ont travaillé depuis la première heure, ce n’est pas par malice mais parce que Je suis bon. Comment peut-on dire que Dieu est juste, nous dit st Isaac, quand on considère le passage sur le „Fils prodigue“ qui a gaspillé sa fortune dans une vie de plaisirs et qui par une simple contrition est accueilli à bras ouverts par le Père et lui permet de disposer de tous ses biens. Ce n’est pas un autre que son Fils qui nous révèle les choses concernant son Père de peur que nous en doutions et c’est ainsi qu’Il est le témoin privilégié de son Père. Où donc est la justice de Dieu, alors que nous étions pécheurs, le Christ est mort pour nous!
Nous voyons ainsi que Dieu n’est pas juste dans le sens humain de ce mot, mais nous nous rendons compte que sa Justice exprime sa Bonté et son Amour lesquels donnent d’une injuste manière (selon le sens commun), Dieu donne toujours sans demander quoique cela soit en retour et Il donne à des personnes qui comme nous n’en sont pas dignes. C’est dans ce sens que st Isaak nous dit : „N’appelez pas Dieu juste, en ce qui concerne sa justice elle ne se manifeste pas dans des choses qui vous concerne. David appelle Dieu juste et droit, son Fils nous Le révèle comme bon et bienveillant. „Il est bon, dit-il, aux méchants et impies“. Dieu est bon, aimant et bienveillant envers ceux qui Le méconnaissent, Lui désobéissent et Lui tournent le dos. Il ne rend jamais le mal pour le mal et jamais Il ne se venge. Ces punitions sont des actes d’amour en vue de notre perfection (correction) car tout au long de notre vie nous pouvons nous corriger et guérir nos fautes, rien n’est jamais définitif . Il a créé toute chose bonne et même les bêtes sauvages Le reconnaissent comme Leur -Maître. Les chrétiens par l’humilité accèdent à Sa ressemblance, ils tendent à se rapprocher de Lui, non avec crainte, mais avec joie dans une soumission reconnaissante et aimante, ils courbent leurs têtes et baisent Sa main et Le servent avec gratitude. Même les animaux sans raison savent qu’Il est leur Maître et que Dieu n’est pas mauvais ni méchant ou vengeur, mais plutôt plein d’amour (v. st Isaak le Syrien). Il nous protège et nous sauve lorsque nous tombons. La damnation éternelle n’a rien à voir avec Dieu, mais vient plutôt avec la volonté de sa créature libre et raisonnable dont Il respecte le vouloir. La mort ne nous a pas été infligée par Dieu. Nous la subissons du fait de notre révolte. Dieu est Vie et la Vie est Dieu. Toujours nous nous révoltons contre Dieu et nous nous fermons à sa grâce vivifiante. St. Basile a écrit : «Parce que Dieu est la vie, la privation de la vie c’est la mort. Dieu n’a pas créé la mort mais nous la prenons sur nous. Il n’est pas donné à tous d’empêcher la dissolution de sorte que nous soyons atteint de cette infirmité éternellement ». St. Irénée ajoute que : „la séparation de Dieu c’est la mort, la séparation de la Lumière c’est les ténèbres. St. ;Maxime dit que :“la mort c’est essentiellement la séparation d’avec Dieu et dont la conséquence est nécessairement la mort du corps. La Vie c’est avant tout Celui qui a dit : Je suis la Vie. Pourquoi la mort s’est répandue sur l’humanité entière? Pourquoi ceux qui n’ont pas péché comme Adam meurent de la même manière? Voici la réponse de st. Athanase le Sinaïte : « Nous sommes héritiers de la malédiction d’Adam ».

Traduit de l’anglais par le P. Maxime Doyon